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Famille, personnes et successions

Le droit de visite des grands-parents : pas un droit absolu

  • Janique Gibeau
Par Janique Gibeau Avocate
La législation québécoise prévoit que toutes les décisions relatives à un enfant doivent être prises dans son intérêt.

La législation québécoise prévoit que toutes les décisions relatives à un enfant doivent être prises dans son intérêt. Dans le même ordre d’idées, l’article 611 du Code civil du Québec, lequel a été modifié en 2022, prévoit désormais que des relations peuvent être maintenues entre un enfant et ses grands-parents dans la mesure où cela est dans l’intérêt de l’enfant. Si l’enfant est âgé de 10 à 13 ans, il doit par ailleurs consentir au maintien de cette relation, sauf exception. Dans tous les cas, le refus d’un enfant de 14 ans et plus de maintenir ou développer une relation avec ses grands-parents est déterminant.   

En général, l’instauration d’une relation entre les grands-parents et les petits-enfants se fait naturellement et représente le meilleur intérêt de ces derniers. Toutefois, lorsque la situation familiale devient difficile, notamment, lors d’un conflit entre les grands-parents et les parents, l’intervention du tribunal peut devenir nécessaire.  

Dans cet article, nous discuterons d’une décision rendue le 11 juin dernier par laquelle le tribunal rejette la demande d’accès des grands-parents à leurs trois petits-enfants et condamne les grands-parents au paiement d’un montant de 21 000$[1].

Dans cette affaire, les relations entre les grands-parents et deux de leurs fils se détériorent à compter de mai 2017, alors que le grand-père indique désapprouver la « famille reconstituée » formée par l’un d’eux et sa conjointe. En effet, le grand-père se dit « embêté » par le fait que ladite conjointe ait déjà un enfant d’une précédente union. Cet enfant est d’ailleurs complètement rejeté par les grands-parents et plus particulièrement par le grand-père. À partir de ce moment, les relations déjà difficiles entre les grands-parents et les fils s’effritent pour finalement cesser complètement. Par le fait même, toute relation entre les grands-parents et leurs petits-enfants cesse.

C’est dans ce contexte qu’à la veille de la période des fêtes en 2021, les grands-parents déposent une procédure à la Cour supérieure par laquelle ils poursuivent leurs deux fils ainsi que les conjointes de ceux-ci afin d’obtenir des accès à leurs petits-enfants. Les fils, quant à eux, demandent au tribunal de déclarer la procédure abusive et réclament certains montants d’argent à titre de réparation du préjudice subi.

Il est à noter que les petits-enfants, lesquels sont représentés par avocats dans le cadre des procédures judiciaires et sont tous âgés de 10 ans et plus, refusent de voir leurs grands-parents. En effet, le conflit perdure depuis maintenant sept (7) ans et les petits-enfants n’ont eu aucun contact avec leurs grands-parents, sauf lors de subterfuges de ces derniers, lesquels, par exemple, se sont présentés au parc sans préavis pour les rencontrer. Les enfants indiquent tous n’avoir aucun souvenir de leurs grands-parents et ne pas souhaiter les revoir.

Le tribunal conclut que compte tenu du refus des petits-enfants et de l’état des relations entre les grands-parents et les parents, il n’est pas dans le meilleur intérêt des enfants que le tribunal ordonne des accès. Une telle ordonnance aurait plutôt pour effet de placer les enfants dans un conflit de loyauté envers leurs parents. La demande est rejetée.

Quant à la raisonnabilité de la procédure, le tribunal conclut sans aucune hésitation que les grands-parents ont agi de manière abusive. Ils ont été informés du refus de leurs petits-enfants de maintenir des relations. Leur choix de poursuivre des procédures judiciaires malgré tout rend déraisonnable leur comportement et démontre qu’ils ne considèrent que leurs motivations personnelles, sans tenir compte du meilleur intérêt de leurs petits-enfants. Par ailleurs, l’historique du dossier et d’autres événements survenus durant le processus judiciaire ont aussi été pris en compte par le tribunal pour justifier cette conclusion. Notamment, le grand-père a transmis des citations à comparaître aux petits-enfants afin de les obliger à venir témoigner devant le tribunal, et ce, en pleine période d’examens scolaires. Le tribunal fixe donc à 21 000$ le montant total devant être versé aux fils et à leur conjointe, ce montant couvrant notamment une partie des frais d’avocats engagés par les parents ainsi qu’un montant de 1000$ à titre de dommages punitifs.  

Cette décision nous rappelle les changements apportés par le législateur depuis 2022, notamment le retrait de la présomption en faveur de l’exercice de droit d’accès par les grands-parents. D’ailleurs, un parent qui s’oppose au maintien des contacts entre son enfant et ses grands-parents n’a plus à démontrer l’existence de motifs graves justifiant sa décision. Les seuls critères que doivent maintenant vérifier les tribunaux reposent (1) sur l’intérêt de l’enfant et (2) sur le consentement de cet enfant lorsqu’il est âgé de 10 ans et plus. Chaque cas est un cas d’espèce et doit être analysé à la lumière de la situation particulière de la famille afin de déterminer quel est le meilleur intérêt des enfants concernés.

Pour toutes questions au sujet de cet article ou si vous croyez être en présence d’une situation similaire, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit de la famille qui se fera un plaisir de vous conseiller.


[1] Droit de la famille – 24918, 2024 QCCS 2497

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