Affaires, commercial et corporatif
Nouvelles obligations applicables à certaines entreprises canadiennes
Votre entreprise :
- produit, vend ou distribue des marchandises, au Canada ou ailleurs?
- importe au Canada des marchandises produites à l’extérieur du Canada?
Nous vous invitons à lire ce qui suit!
La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement (la « Loi ») est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Cette nouvelle Loi vise notamment à accroître la sensibilisation et la transparence de l'industrie et à inciter les entreprises à améliorer leurs pratiques concernant le travail forcé et le travail des enfants. À cette fin, la Loi impose aux institutions fédérales et à certaines entités de soumettre un rapport au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile quant aux mesures prises afin de prévenir et réduire les risques de travail forcé et de travail des enfants.
À qui s’appliquent les nouvelles obligations prévues par la Loi?
Une entité est, selon la Loi, une personne morale, une société de personnes, une fiducie ou toute autre organisation non constituée en personne morale qui rencontre l’un des trois critères suivants :
1. ses actions ou titres de participation sont inscrits à une bourse de valeurs canadienne;
2. elle a un établissement au Canada, y exerce des activités ou y possède des actifs et, selon ses états financiers consolidés, remplit au moins deux des trois conditions ci-après pour au moins un de ses deux derniers exercices :
a) elle possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 000 000 $ [1]
b) elle a généré des revenus d’au moins 40 000 000 $;
c) elle emploie en moyenne au moins 250 employés [2]
3. elle est désignée par règlement comme une entité aux sens de la Loi.
L’obligation de faire rapport au ministre en vertu de la Loi s’applique à toute entité qui, selon le cas :
- produit, vend ou distribue des marchandises, au Canada ou ailleurs;
- importe au Canada des marchandises produites à l’extérieur du Canada; ou
- contrôle l’entité qui se livre à une activité décrite à l’un ou l’autre des points précédents.
Il est à noter que la nouvelle Loi vise également les institutions fédérales[3] qui produisent, achètent ou distribuent des marchandises, au Canada ou ailleurs, lesquelles doivent donc produire et soumettre un rapport annuel en vertu de la Loi.
En quoi consiste l’obligation de faire rapport pour une entité?
L’entité qui, aux termes des critères susmentionnés, est visée par les nouvelles obligations aux termes de la Loi devra produire, au plus tard le 31 mai de chaque année, un rapport annuel. Le premier rapport annuel doit être présenté au plus tard le 31 mai 2024. Ce rapport doit notamment décrire les mesures mises en place par l’entité pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par l’entité — au Canada ou ailleurs — ou de leur importation au Canada au cours de son dernier exercice financier, y compris ses politiques et ses processus de diligence raisonnable relatifs au travail forcé et au travail des enfants. Le rapport doit également fournir de l’information sur la structure, les activités commerciales et les chaînes d’approvisionnement de l’entité visée. De plus, l’entité doit, dans son rapport, faire état de la formation donnée à son personnel quant au travail forcé et au travail des enfants.
La préparation d’un rapport en conformité aux exigences de la Loi implique donc que l’entité fasse un bilan des mesures qu’elle prend pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants tout au long de sa chaîne d’approvisionnement, le tout dans le but de stimuler la réflexion des entreprises sur les meilleures pratiques à adopter dans ce domaine. Parmi le large spectre de mesures qu’une entité peut mettre en place à ce sujet, on pense notamment à l’élaboration ou la révision de procédures d’approvisionnement et de politiques de protection des droits de la personne, à des mécanismes de vérification diligente sur les fournisseurs ou encore à l’adoption d’un code de conduite des fournisseurs qui serait contraignant pour ces derniers.
Sécurité publique Canada a publié des lignes directrices afin de fournir davantage d’informations quant à la préparation d’un tel rapport, notamment au niveau du contenu et de la forme requise. Parmi les exigences de forme, il est notamment recommandé que le rapport ne dépasse pas 10 pages.
Modalités applicables pour la préparation et la présentation d’un rapport par une entité
Une fois le rapport complété, il doit être approuvé par le corps dirigeant ayant le pouvoir légal de lier l’entité visée. Ainsi, dans le cas d’une société par actions, le rapport doit, afin d’être attesté, être signé par au moins l’un des membres du conseil d’administration. La Loi prévoit également que les entités qui sont des sociétés par actions constituées sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions sont tenues de fournir à leurs actionnaires, avec les états financiers annuels de cette société, le rapport soumis en vertu de la Loi.
Avant le pouvoir déposer leur rapport, les entités devront remplir un questionnaire en ligne portant sur la conformité de l’entité aux exigences de la Loi. Les entités devront veiller à ce que les renseignements fournis dans le questionnaire soient conformes aux renseignements indiqués dans leur rapport.
Finalement, après son dépôt auprès du ministre, le rapport devra être rendu public par l’entité, notamment en le publiant à un endroit bien en vue sur son site Web. Tous les rapports seront également mis à la disposition du public via un registre électronique accessible sur le site Web de Sécurité publique Canada.
Infractions et peines
Une personne physique ou morale commet une infraction et peut se voir imposer une amende maximale de 250 000,00 $, notamment si elle :
a) omet de soumettre un rapport annuel qui répond aux exigences de la Loi;
b) omet de rendre accessible au public le rapport annuel;
c) sciemment, fait une déclaration fausse ou trompeuse ou fourni un renseignement faux ou trompeur au ministre ou à la personne désignée par le ministre pour l’exécution et le contrôle d’application de la Loi.
Tout administrateur, dirigeant ou mandataire ayant ordonné, autorisé, consenti ou participé à la perpétration d’une infraction à la Loi par une personne ou entité visée sera considéré comme coauteur de l’infraction et peut encourir la même peine. Toutefois, en ce qui concerne les infractions mentionnées au sous-paragraphe a) et b) ci-dessus, une personne ne pourra être déclarée coupable si elle prouve qu’elle a exercé la diligence voulue pour empêcher la perpétration de l’infraction.
Conclusion
Les entreprises assujetties aux nouvelles obligations qui découlent de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement ont jusqu’au 31 mai 2024 pour produire leur premier rapport et devront ensuite produire un tel rapport sur une base annuelle. Ainsi, celles-ci doivent débuter dès maintenant les démarches pour préparer leur rapport, si ce n’est pas déjà fait. Les entités visées devront également entamer un processus de réflexion et d’évaluation quant aux mesures qu’elles prennent pour réduire et prévenir les risques de travail forcé et de travail des enfants. Dans le cadre de ces démarches, les entreprises seront notamment appelées à revoir leurs politiques en matière d’approvisionnement, de travail forcé et de travail des enfants, leur code d’éthique ou code de conduite ainsi que leurs processus de vérification et d’audit de leurs fournisseurs, ce qui peut impliquer un travail considérable.
En terminant, il est important de mentionner qu’outre l’obligation de faire rapport, la Loi modifie également le Tarif des douanes afin d’élargir la portée de certaines interdictions et définitions, notamment la définition des termes « travail forcé » et « travail des enfants ».
Pour toute question sur ce qui précède, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit des sociétés qui se fera un plaisir de vous assister.
[1] Les actifs doivent être calculés sur une base brute et non sur une base nette.
[2] Cela comprend les employés à temps plein, partiel ou à titre temporaire au Canada ou dans toute autre administration.
[3] Au sens de l’article 3 de la Loi sur l’accès à l’information.