Famille, personnes et successions
Quel est le sort des REEE accumulés pendant le mariage lors d'un divorce ou dans le cas d’une dissolution d’union civile?
Les régimes enregistrés d’épargne-études, plus communément appelés REEE 1, sont de plus en plus populaires au sein des familles, les parents désirant s’assurer que leurs enfants auront les ressources nécessaires pour poursuivre des études postsecondaires s’ils le souhaitent. Toutefois, quand une rupture survient et qu’il est temps de partager les biens, qu’arrive-t-il du REEE?
Dans cet article, nous exposerons les principes généraux relatifs au traitement du REEE en cas de séparation selon divers scénarios et, plus particulièrement, en cas de divorce.
Le mariage ou l’union civile emporte constitution pour les époux de deux régimes, soit celui du patrimoine familial, applicable à tous les époux mariés après le 1er juillet 1989 et qui ne se sont pas soustraits de son application avant le 31 décembre 1990, ou unis civilement, ainsi que celui d’un régime matrimonial. Les plus communs étant la société d’acquêts ou la séparation de biens.
Le patrimoine familial comprend certains biens précis et déterminés par le Code civil du Québec. À défaut de se trouver parmi cette liste, le REEE ne peut être inclus au patrimoine familial.
Il ressort de la jurisprudence que le REEE s’inscrit plutôt parmi les biens du régime matrimonial et qu’il sera donc partageable dans certaines circonstances. En société d’acquêts, par exemple, les REEE cotisés durant le mariage à même les revenus des parties seront considérés comme des acquêts partageables en cas de divorce au même titre qu’un autre compte d’investissement[1].
En 2018, la Cour supérieure a dû se prononcer sur cette question dans le cadre du divorce de deux époux mariés durant 16 ans et ayant eu deux enfants. Les REEE avaient été cotisés exclusivement par madame avec ses revenus d’emploi. Elle demandait à continuer de les gérer exclusivement alors que monsieur demandait le partage à parts égales. Le tribunal conclut que le REEE étant un acquêt partageable, il doit être divisé en parts égales et chaque parent pourra administrer seul sa part à condition que les sommes soient utilisées pour les besoins des enfants[2]. Le tribunal indique également qu’advenant que des sommes demeurent à la fin des études postsecondaires des enfants, chaque parent pourra décider s’il remet les sommes aux enfants ou s’il les conserve.
Il est à noter toutefois que les tribunaux peuvent ordonner, pour des raisons fiscales notamment, des conclusions différentes au niveau du partage. Par exemple, la cour supérieure a ordonné, par le passé, que le REEE soit conservé au compte du conjoint détenteur et que le nom de l’autre ex-conjoint soit ajouté comme second détenteur ou qu’à défaut, les sommes servent uniquement aux études postsecondaires des enfants et que le conjoint détenteur fasse parvenir un relevé des opérations sur une base régulière.
Au contraire, si le régime matrimonial choisi par les époux est la séparation de biens, il n’y aura aucun partage du REEE détenu au nom d’un seul conjoint, sauf exception. Le même raisonnement est applicable aux conjoints de fait non mariés; seul le conjoint souscripteur conserve le REEE en cas de séparation.
À titre d’exceptions pour les couples mariés ou unis civilement en séparation de biens, notons par exemple le cas où un conjoint à toujours assuré à l’autre durant la vie commune qu’advenant une séparation, les biens seraient partagés également et que l’ajout de son nom au REEE n’était pas nécessaire[3]. Le tribunal a conclu que, bien qu’un placement au nom d’un seul conjoint laisse présumer qu’il en est le propriétaire, cette présomption ne peut être maintenue lorsqu’une preuve démontre une situation différente. Dans le cas présent, l’épouse n’avait jamais renoncé à ce qu’une part des REEE soit mise à son nom. Le tribunal a ordonné le partage à parts égales du REEE, et ce, bien qu’il soit au seul nom de monsieur et que les parties étaient mariées sous le régime de la séparation de biens.
Pour toutes questions au sujet des régimes enregistrés d’épargne-études en cas de séparation, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit de la famille qui se fera un plaisir de répondre à vos interrogations.
[1] Le régime d’épargne études est un contrat intervenant entre un particulier (le souscripteur) et une personne ou un organisme (le promoteur). Source : https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/particuliers/sujets/regime-enregistre-epargne-etudes-reee.html
Autres informations: https://lautorite.qc.ca/grand-public/investissements/regimes-depargne/reee-regime-enregistre-depargne-etudes
Droit de la famille-143064, 2014 QCCS 5885.
[2] Droit de la famille-181678, 2018 QCCS 3489.
[3] S.C. c. L.V. (2001), AZ-50084522.