Travail et emploi
Récapitulation - L’Arrêt Caron de la Cour suprême du Canada
- les droits et avantages de la Loi sur les accidents au travail et les maladies professionnels (« LATMP ») doivent être interprétés et mis en œuvre conformément à l’obligation d’accommodement raisonnable de l’employeur; et
- dans la mise en œuvre du droit à la réintégration du travailleur invalide dans son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable auprès de l’employeur, la CSST et la CLP (aujourd’hui la CNESST et le TAT)2 peuvent imposer des mesures d’accommodement raisonnables à l’employeur, sauf contrainte excessive.
Depuis février 2018, de nombreux employeurs et décideurs appliquent les enseignements de l’Arrêt Caron, lesquels protègent les travailleurs invalides contre la discrimination basée sur leur handicap.
Nous discuterons ensemble de l’Arrêt Caron et de la discrimination, le 29 octobre prochain, lors du rendez-vous Therrien Couture en droit du travail et de l’emploi. En prévision de cet événement, il nous fait plaisir de vous rappeler les faits et les conclusions de l’Arrêt Caron, dans le cadre du régime québécois d’indemnisation des accidents de travail de la LATMP.
Au moment des faits, M. Caron est employé comme éducateur spécialisé au Centre Miriam pour les personnes ayant des déficiences intellectuelles. Le 20 octobre 2004, M. Caron subit un accident de travail et il sera en assignation temporaire jusqu’en 2007, en raison d’un projet spécial de l’employeur. À la fin de ce projet, l’employeur réévalue la situation et décide qu’en raison de son invalidité, M. Caron ne peut pas réintégrer son poste ni un emploi équivalent et il n’a aucun emploi convenable disponible à lui offrir au Centre Miriam. La CSST informe aussi M. Caron que, considérant l’absence d’emploi convenable disponible chez son employeur, la CSST débutera ses démarches pour trouver un emploi convenable ailleurs, chez un autre employeur, tout en continuant la réadaptation. Face à cette situation, M. Caron allègue que la décision de la CSST est prématurée et que la réadaptation auprès du Centre Miriam doit se continuer en raison de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (ci-après la « Charte »), laquelle le protège contre la discrimination basée sur son handicap et, en conséquence, oblige son employeur à prendre des accommodements raisonnables, sauf contrainte excessive.
Au lieu d’analyser si l’employeur est en situation de contrainte excessive, la CSST conclut que l’obligation d’accommodement raisonnable de la Charte ne s’applique pas à la LATMP. Cette décision a été contestée.
Ultimement, la Cour Suprême du Canada confirme que la CSST et la CLP avaient tort et conclut que la LATMP doit être interprétée et appliquée en tenant compte de l’obligation d’accommodement raisonnable en vertu de la Charte, notamment, lors de la réintégration d’un employé invalide dans son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable au sens de la LATMP. Précisons, toutefois, que la Charte s’applique en présence d’un handicap (ou invalidité) ou d’un autre motif prohibé.
L’argument, voulant que l’épuisement du processus prévu à la LATMP signifie que l’employeur rencontre toujours son obligation d’accommodement raisonnable, n’a pas été retenu.
Selon la Cour suprême du Canada, même si la LATMP prévoit certains types d’accommodement, cela n’exclut pas qu’il peut y avoir d’autres accommodements raisonnables possibles.
Dans le cas de M. Caron, le travailleur a été privé de ce droit. Selon la Cour Suprême du Canada, si le Centre Miriam avait tenu compte de ses obligations d’accommodement raisonnable en vertu de la Charte lorsqu’il cherchait un emploi convenable, peut-être que l’employeur aurait trouvé d’autres postes convenables. Peut-être que oui. Peut-être que non. Cependant, la CSST aurait dû trancher cette question, ce qu’elle n’avait pas fait pour M. Caron en 2007.
En conclusion, l’Arrêt Caron confirme une « conception plus robuste »3 de la LATMP en faveur des travailleurs invalides. Les employeurs doivent, eux-aussi, appliquer ces règles de manière plus rigoureuses et se questionner si des accommodements raisonnables sont possibles en présence d’un travailleur invalide (sauf contrainte excessive). La notion de contrainte excessive est au cœur des enjeux liés aux limites du devoir d’accommodement et chaque cas devient alors un cas d’espèce et potentiellement source de conflits.
Pour en savoir davantage, joignez-vous à nous le 29 octobre 2019 au rendez-vous Therrien Couture en droit du travail et de l’emploi ou encore, veuillez contacter notre équipe en droit du travail et de l’emploi.
1Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, 2018 CSC 3.
2Respectivement la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), la Commission des lésions professionnelles (CLP), la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et le Tribunal administratif du travail (TAT).
3Arrêt Caron, au paragraphe 36.