Litige
Covoiturage vs taxi, attention aux dérapages!
Au centre du débat, on retrouve la fameuse question liée à la définition du terme covoiturage. Quelles sont les limites fixées par la loi? Est-ce qu’un parent raccompagnant ses enfants et leurs amis lors d’un tournoi de hockey y contrevient? Peut-on demander un remboursement des frais de notre course? Est-ce que les services de transport interurbain sont illégaux? Toutes ces questions méritent que l’on s’y attarde.
D’abord, il y a lieu de distinguer le concept de covoiturage de celui du transport commercial de personnes. L’article 36 de la Loi sur les transports3 énonce ce qui suit :
« Nonobstant toute disposition inconciliable d'une loi générale ou spéciale, nul ne peut agir comme transporteur ou fournir des services à l'aide d'un moyen ou d'un système de transport contre une rémunération directe ou indirecte s'il n'est titulaire du permis prescrit à cette fin par règlement.
[…]
Le premier alinéa ne s'applique également pas à une personne qui effectue un covoiturage, sur un même trajet, lorsque seuls les frais du transport sont partagés et qu'aucune rémunération n'est requise. »
Ainsi, selon cette disposition et la Loi concernant les services de transport par taxi (ci-après LCST)4 , il ne serait pas nécessaire pour celui qui fait du covoiturage d’obtenir un permis concernant les services de transport par taxi.
Jusqu’à tout récemment, la notion de covoiturage comportait un certain flou juridique. Dans la décision Uber c. ARC, l’entreprise a d’ailleurs tenté de jouer cette carte5. Le juge a rapidement tranché la question en affirmant qu’il s’agissait plutôt d’un service de « transport rémunéré de personnes par automobile tel que défini » par la LCST.
Le controversé Projet de loi 100 aurait le mérite d’éclaircir cette notion. À son article 2 au paragraphe 3, on définit le « service de transport par taxi » comme étant « tout service de transport rémunéré de personnes par automobile ». S’ensuit une longue liste d’exceptions, incluant celle du covoiturage. Le paragraphe 3, alinéa a) de ce même article explicite les critères permettant de définir ce qu’est le covoiturage au sens de la LCST.
Afin d’être considéré comme étant du covoiturage, le déplacement doit :
1. Être effectué à l’aide d’un véhicule de promenade6
2. Le conducteur doit être celui qui décide de la destination finale
3. « la prise de passagers à bord » doit être « accessoire à la raison pour laquelle il se déplace»
4. Si le transport est offert moyennant une contribution financière, le total de cette contribution doit se limiter uniquement aux frais d’utilisation de l’automobile et ce, peu importe le nombre de passagers. Le calcul de cette indemnité ne doit pas dépasser celle qui serait accordée à « un employé d’un ministère ou d’un organisme dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) pour l’utilisation de son véhicule personnel »7 .
Il faut donc analyser chaque cas selon les faits exposés. À titre d’exemple, est-ce que le parent qui amène ses enfants et leurs amis à un tournoi de hockey demande de l’argent en retour? Si oui, combien? Quel type de véhicule conduit-il? Toutes ces questions permettent d’établir s’il y a eu infraction ou non. Dans le cas spécifique des services de transport interurbain, comme chaque cas en est un d’espèce, il conviendrait d’analyser leur modèle d’affaires afin de déterminer si oui ou non, ils contreviennent aux dispositions législatives pertinentes.
Pour conclure, il est approprié de rappeler que le covoiturage n’est pas illégal et que sa pratique est même fortement encouragée. Cependant, en faire un commerce est toutefois plus risqué, il convient donc de faire preuve de prudence afin d’éviter tout dérapage.
Texte et réflexion initiés par Kenny Samson, stagiaire. Révision par Me Marie-Claude Gaudreau.
1 2016 CanLII 2158 (QC C.S.).
2 Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant principalement les services de transport par taxi, projet de loi n°100 (sanctionné - 10 juin 2016), 1ère sess., 41e légis. (Qc).
3 R.L.R.Q. c. T-12.
4 R.L.R.Q. c. S-6.01, art. 3 par.1.
5 Préc., note 1, par.1.
6 Au sens de l’article 4 du Code de la sécurité routière, R.L.R.Q. c. C-24.2.
7 Art. 2, par. 3, al.a) iii) du Projet de loi 100.